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Samedi 6 septembre
Centenaire des combats de Rogéville
Dominique Potier participait ce samedi 6 septembre à la commémoration du centenaire des combats de Rogéville.
Un temps de mémoire et de recueillement mais aussi d'appropriation de l'histoire du village était organisé avec un parcours permettant aux habitants d'identifier les vestiges encore existant et d'être sensibilisés au récit de la bataille du 6 septembre 1914.
Un temps de mémoire et de recueillement mais aussi d'appropriation de l'histoire du village était organisé avec un parcours permettant aux habitants d'identifier les vestiges encore existant et d'être sensibilisés au récit de la bataille du 6 septembre 1914.
Discours de Didier Pierrot, Maire de Rogéville :
" Notre présence autour du monument, sur la place centrale de notre village prend cette année une importance particulière puisqu’il s’agit d’une commémoration importante : il y a 100 ans, Rogéville subissait le choc du premier conflit mondial. Dans le même temps où, ses habitants enduraient le bombardement des canons allemands, les familles commençaient à éprouver la douleur de la perte de leurs enfants, partis mourir, eux, sur d’autres champs de bataille.
Cent ans après, jour pour jour, nous avons souhaité réaliser cette manifestation qui constitue un temps de mémoire, de recueillement mais aussi d’appropriation de notre histoire collective ; une appropriation de l’histoire dans son impact au niveau local, à l’échelle d’une petite commune comme la nôtre, mais je dirais également intime, dans la mémoire de chaque famille. Autour de nous, sur cette place qui était hier la cible de l’artillerie allemande, nous pouvons lire, aujourd’hui, dans les façades reconstruites, les traces tangibles de la guerre. Les greniers de nos maisons conservent les souvenirs, les lettres des disparus, leurs médailles, souvent d’ailleurs reçues à titre posthume.
Aujourd’hui, en l’absence des témoins disparus de cette époque, c’est désormais à nous tous qu’il appartient de transmettre cette histoire et cette mémoire porteuses de valeurs.
Commémorer, c’est lutter contre l’oubli, pour que ces hommes ne meurent pas une seconde fois ; c’est rappeler les souffrances endurées par cette génération perdue ; c’est aussi regarder avec lucidité les responsabilités nationales et internationales de ce massacre, les méfaits du nationalisme et de la haine de l’autre. Car on commémore aussi pour comprendre l’Histoire. Et comprendre l’Histoire, c’est assurer l’Avenir.
Commémorer, c’est montrer ce que des citoyens peuvent réaliser pour sauvegarder leurs lois, leur village, leur nation. Cette capacité d’engagement personnel, jusqu’au sacrifice ultime, pour un idéal collectif, des gens du peuple, des petits, de ceux qui subissent l’histoire en même temps qu’ils la font, voilà ce que ce nous célébrons aujourd’hui. Cette capacité à résister, à ne pas renoncer, voilà ce qui doit continuer à nous servir d’exemple.
Commémorer, c’est également montrer que la France n’est rien sans sa faculté à se rassembler, à lutter en commun et à rester unie face à l’adversité. Ce sont les enfants de Rogéville partis défendre et mourir à Crévic, Laneuvelotte, au Bois-le-Prêtre, à Avord ou Ablain-Saint-Nazaire. Ce sont les enfants de Vendôme, Marcilly-en-Villette ou Aubin Saint Vaast venus mourir les 7 et 8 septembre 1914 pour défendre notre village.
Commémorer, c’est enfin rappeler l’immense souffrance de nos aïeux qu’on a envoyés par milliers conquérir des morceaux de collines, des bouts de paysage… C’est la souffrance d’un village qui a vu ses maisons détruites, ses bâtiments éventrés, son église saccagée, sa mairie ravagée…
Il faut rappeler quelques chiffres au plan national : 8 millions de mobilisés, 1.400.000 morts français, c’est-à-dire 10% de la population active, 1 combattant sur 6 tué, 27% des hommes de moins de 28 ans, sacrifiés, 630.000 veuves, plus de 700.000 orphelins, 600.000 invalides… Les historiens disent qu’au niveau national cette génération perdue représente 1 mort pour 28 habitants. Mais cette statistique n’est qu’une moyenne nationale.
Rogéville comptait 166 habitants en 1914. Huit hommes de 19 à 35 ans sont tombés, ce qui donne 1 mort pour 20 habitants !
Voici maintenant, pour que ces hommes ne soient pas que des noms, quelques renseignements trouvés dans les documents disponibles. J’ai suivi l’ordre chronologique des décès qui n’est pas celui de la plaque figurant sur le monument. Car c’est l’ordre dans lequel le Maire de l’époque a dû venir porter la triste nouvelle aux familles.
L’hécatombe a débuté dès les premiers jours de la guerre.
Ce fut tout d’abord la famille GREFF qui fut touchée. Mme GREFF, veuve du forgeron de la commune élevait seule sa fille et ses 3 fils. Deux d’entre eux, François et Jules, âgés respectivement de 25 et 24 ans avaient été incorporés comme soldats dans le même 156e Régiment d’infanterie. François fut tué à l’ennemi le 25 aout 1914 à Crévic (54) dans les combats du Grand Couronné. Son frère, Jules, connut le même sort le 11 septembre 1914 à Laneuvelotte (54).
Quelques jours plus tard, le 7 octobre, c’était Eugène BOUSSARD, 33 ans, 2e classe au 69e d’infanterie, qui mourait au combat à Gommecourt dans le Pas-de-Calais. Il était le fils de Firmin BOUSSARD qui était cordonnier.
Ernest HENRY, 25 ans, Sergent au 168e Régiment d’Infanterie, qui avait combattu à Martincourt et dans la vallée de l’Esch en septembre, est mort dans les combats du Bois-le-Prêtre le 16 novembre 1914. Après plusieurs jours de préparatifs, son régiment avait mené une attaque infructueuse face à un ennemi qui avait reçu des renforts et présentait une organisation très solide et des forces très supérieures. Il était le fils d’Edmond Henry, cultivateur mais également maire de la commune.
Marcel BECKER, 19 ans, fils d’Eugène BECKER, cultivateur, était Chasseur dans le 20e Bataillon de Chasseurs à Pied. Il mourut le 16 février 1915 à l’Hôpital des Sœurs Dominicaines à Beaune des suites d’une maladie contractée en service.
Georges LAURENT, également âgé de 19 ans, fils de Laurent LAURENT, cultivateur, meurt dans les même circonstances à Avord. Il était canonnier au 60e Régiment d'Artillerie de Campagne. Victime d’une rougeole, son état empira subitement pour une complexion pulmonaire. Sa mère conserva toute sa vie, dans une petite boîte en fer, la lettre du commandant lui détaillant les derniers jours de son fils. Nous vous en donnerons lecture tout à l’heure.
Paul HACQUART, 19 ans, fils d’Emile HACQUARD, garde des eaux et forêts à Rogéville était soldat dans la 24e compagnie du 360e régiment d’infanterie. Il fut tué à l’ennemi le 26 mai 1915 à Ablain-Saint-Nazaire (62).
Ainsi, dans les 10 premiers mois de la guerre, la mort faucha 7 jeunes de la commune.
Le dernier mort de la commune sera François GRUYER, 35 ans, Médecin aide major au 356e Régiment d'Infanterie. Il était le fils de l’instituteur de Rogéville qui était resté en poste durant 30 ans dans la commune depuis 1873. Lui-même, après avoir passé sa thèse de médecine à Nancy en 1906, s’était installé comme médecin à Bernécourt. Il mourut le 18 mai 1916 à Belleville des suites de ses blessures. Il fut décoré de la Croix de Guerre et de la Légion d'Honneur, avec comme citation: " Médecin major d'une haute valeur morale et professionnelle. S'est fait remarquer en maintes circonstances par son mépris du danger. Grièvement blessé le 16 mai 1916 (à Bois-le-Prêtre) en dirigeant en 1ère ligne un travail permettant l'évacuation plus rapide des blessés."
Au nom des morts de notre commune, il faut ajouter le souvenir des hommes venus mourir sur son sol pour la défendre.
Eugène MALANGEAU était né le 16 septembre 1888 à Vendôme dans le Loir-et-Cher. Il est mort le 7 septembre 1914 à Rogéville, à l’âge de 25 ans. Il était marié. Sa veuve se remaria en 1919 et mourut à l’âge de 92 ans en 1982. Cette date, finalement pas si éloignée de nous est une illustration de ces destins brisés…
Alexandre MARPEAU était né le 03 octobre 1886 à Marcilly-en-Villette dans le Loiret. Il avait 27 ans. Il reçut à titre posthume la croix de guerre avec étoile de Bronze : « a fait vaillamment son devoir dès les premiers combats de la campagne »
Tous deux, caporal et soldat dans la 18e et 17e compagnie, sont morts dans l’après-midi du 7 septembre, en haut du village, en tentant de le reprendre sous le feu de l’artillerie.
Charles LECOUVE était né le 13 décembre 1890 à Aubin Saint Vaast. Il avait 24 ans. Il était 2e canonnier conducteur de la 20e batterie du 12e Régiment d’Artillerie. Il mourut le 8 septembre entre Rogéville et le Bois de la Cote en Haye, vers la côte 307, en répliquant à l’artillerie allemande qui continuait de bombarder notre village.
Cette modeste plaque apposée sur notre Monument au Morts témoigne d’une réalité brute aussi présente aujourd’hui qu’il y a 100 ans et doit nous rappeler que l’Histoire de la Grande Guerre c’est avant tout l’histoire individuelle de ces hommes de chair et de sang.
Placée au cœur de notre village, ce monument doit également être un monument pour la Paix. Il doit nous rappeler combien elle est fragile et l’importance du « Faire société ».
« Faire société », c’est accepter bien sûr l’autre dans sa différence, mais c’est aussi partager la conviction d’un avenir commun.
« Faire société », c’est accepter que s’organiser pour vivre ensemble alors que l’on a des intérêts différents est un problème qu’il nous faut résoudre, un effort à réaliser constamment. Et là aussi, que ce soit au niveau local et international, que ce soit au sein d’une commune comme entre les pays.
Avant de passer la parole à Monsieur Dominique POTIER, député de Meurthe-et-Moselle, je voudrais vous faire entendre les mots de nos soldats :
- Le témoignage de … sera lu par …
- La lettre de Gaston Laurent, frère de Georges, à ses parents sera lue par …
Ne pas oublier pour le respect que nous devons à nos aïeux, à ceux qui se sont sacrifiés.
Ne pas oublier pour le respect que nous devons à nos enfants et au monde que nous devons leur construire."