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Vendredi 11 mai 2018
TRIBUNE : ''Les salariés ne peuvent continuer à être exclus de la construction européenne''
Cinq réformes pour un nouveau modèle européen de l'entreprise :
Dans la dynamique des travaux du collège des Bernardins et à la suite de la proposition de loi Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances portée par le groupe Nouvelle Gauche, j'ai pris l'initiative avec quelques universitaires, élus et syndicalistes de lancer un appel en faveur d'un nouveau modèle européen de l'entreprise.
Le Monde publie aujourd'hui cette tribune qui réunit 420 signataires issus de 30 pays européens.
---
Tribune. Quelque chose s'est mal passé dans l'Union européenne (UE). Quatre exemples témoignent de ce désordre. Comment justifier que des centaines de milliers de sociétés boîtes aux lettres aient été autorisées à se développer, bien que leur seul but soit d'échapper aux taxes, aux lois du travail et aux réglementations ? Comment expliquer que des décisions de la Cour européenne de justice autorisent la restriction des droits fondamentaux des salariés ?
Comment ne pas être scandalisé par les révélations régulières, telles que celles des « Panama Papers » et des « Paradise Papers », qui montrent l'incapacité de l'UE à empêcher le contournement des règles fiscales par les particuliers fortunés et les grandes entreprises ? Comment accepter qu'en dépit de drames tels que celui du Rana Plaza, de nombreuses entreprises continuent de fermer les yeux sur des fournisseurs qui ignorent les droits sociaux, environnementaux et humains les plus élémentaires ?
La théorie de la « suprématie actionnariale » a été promue par la Commission européenne alors que l'économie réelle et les salariés ont été oubliés dans le processus. En conséquence, depuis les années 1990, les profits ont augmenté au détriment des salaires. Cela n'a pas de sens, car les salariés sont une partie constituante des entreprises : tandis que les actionnaires apportent du capital, les salariés investissent leur temps, leurs compétences et leur vie. C'est pourquoi il est temps de repenser la place des plus de 140 millions de salariés de l'UE travaillant dans les entreprises. Les élections pour le Parlement européen ont lieu dans un an, et nous souhaitons que le prochain débat soit fondé sur de bonnes bases.
Nous croyons profondément qu'il est vital que les cinq réformes suivantes soient lancées.
Choisir l'économie réelle. Des limites strictes doivent être imposées aux sociétés boîtes aux lettres et au transfert des sièges sociaux : une entreprise ne devrait être autorisée à s'enregistrer que dans un pays où elle exerce de réelles activités. Des règles devraient également être prévues pour empêcher les entreprises de contourner le paiement des impôts là où est produite la vraie valeur ajoutée, notamment par un système de déclaration publique pays par pays, une base fiscale harmonisée et une politique de tolérance zéro pour les paradis fiscaux.
Créer une autorité indépendante régissant la mobilité des salariés. Elle doit être dotée des effectifs, des financements et des pouvoirs appropriés pour proposer et appliquer des règles protégeant les salariés de l'UE.
Renforcer la participation des salariés dans les entreprises. Les salariés devraient avoir le droit de choisir des représentants des travailleurs au conseil, comme c'est déjà le cas dans 18 des 28 Etats membres et dans 44 % des plus grandes entreprises de l'UE. Pour les pays où ce droit serait nouveau, cela devrait être fait conformément à leurs traditions et pratiques en matière de relations professionnelles. D'une manière générale, les droits des syndicats et des comités d'entreprise devraient aussi être accrus.
Créer un devoir de vigilance à l'égard des sous-traitants. Des règles nouvelles doivent conduire les grandes entreprises à prévenir la violation des droits humains et sociaux fondamentaux dans l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement.
Créer un cadre d'information contraignant adapté aux enjeux du XXIe siècle. Les règles comptables des entreprises ne devraient pas être laissées à un organisme privé, l'International Accounting Standards Board, principalement intéressé par la valeur actionnariale ; elles doivent prendre en compte la durabilité. Le reporting extra-financier doit continuer à être développé afin de fournir plus de transparence sur les questions sociales et environnementales, et notamment les questions d'égalité entre les sexes, qui devront être traitées avec beaucoup plus de vigueur.
Les réformes mentionnées ci-dessus n'épuisent pas le champ des possibles, mais elles disent le sens de la réforme attendue : les salariés de l'UE ne peuvent plus continuer à être exclus de la construction européenne. Ces réformes vitales, socle des nouveaux droits et devoirs dans l'entreprise, esquissent un nouveau modèle européen capable d'unir des Etats aux droits trop fragmentés, un nouveau modèle européen qui nous différencie des modèles anglo-saxons et du capitalisme asiatique. Un nouveau modèle européen héritier d'un humanisme qui doit devenir une force dans la mondialisation. Il est temps de changer !
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Pour signer la tribune : http://www.descartes.law/
Dans la dynamique des travaux du collège des Bernardins et à la suite de la proposition de loi Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances portée par le groupe Nouvelle Gauche, j'ai pris l'initiative avec quelques universitaires, élus et syndicalistes de lancer un appel en faveur d'un nouveau modèle européen de l'entreprise.
Le Monde publie aujourd'hui cette tribune qui réunit 420 signataires issus de 30 pays européens.
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Tribune. Quelque chose s'est mal passé dans l'Union européenne (UE). Quatre exemples témoignent de ce désordre. Comment justifier que des centaines de milliers de sociétés boîtes aux lettres aient été autorisées à se développer, bien que leur seul but soit d'échapper aux taxes, aux lois du travail et aux réglementations ? Comment expliquer que des décisions de la Cour européenne de justice autorisent la restriction des droits fondamentaux des salariés ?
Comment ne pas être scandalisé par les révélations régulières, telles que celles des « Panama Papers » et des « Paradise Papers », qui montrent l'incapacité de l'UE à empêcher le contournement des règles fiscales par les particuliers fortunés et les grandes entreprises ? Comment accepter qu'en dépit de drames tels que celui du Rana Plaza, de nombreuses entreprises continuent de fermer les yeux sur des fournisseurs qui ignorent les droits sociaux, environnementaux et humains les plus élémentaires ?
La théorie de la « suprématie actionnariale » a été promue par la Commission européenne alors que l'économie réelle et les salariés ont été oubliés dans le processus. En conséquence, depuis les années 1990, les profits ont augmenté au détriment des salaires. Cela n'a pas de sens, car les salariés sont une partie constituante des entreprises : tandis que les actionnaires apportent du capital, les salariés investissent leur temps, leurs compétences et leur vie. C'est pourquoi il est temps de repenser la place des plus de 140 millions de salariés de l'UE travaillant dans les entreprises. Les élections pour le Parlement européen ont lieu dans un an, et nous souhaitons que le prochain débat soit fondé sur de bonnes bases.
Nous croyons profondément qu'il est vital que les cinq réformes suivantes soient lancées.
Choisir l'économie réelle. Des limites strictes doivent être imposées aux sociétés boîtes aux lettres et au transfert des sièges sociaux : une entreprise ne devrait être autorisée à s'enregistrer que dans un pays où elle exerce de réelles activités. Des règles devraient également être prévues pour empêcher les entreprises de contourner le paiement des impôts là où est produite la vraie valeur ajoutée, notamment par un système de déclaration publique pays par pays, une base fiscale harmonisée et une politique de tolérance zéro pour les paradis fiscaux.
Créer une autorité indépendante régissant la mobilité des salariés. Elle doit être dotée des effectifs, des financements et des pouvoirs appropriés pour proposer et appliquer des règles protégeant les salariés de l'UE.
Renforcer la participation des salariés dans les entreprises. Les salariés devraient avoir le droit de choisir des représentants des travailleurs au conseil, comme c'est déjà le cas dans 18 des 28 Etats membres et dans 44 % des plus grandes entreprises de l'UE. Pour les pays où ce droit serait nouveau, cela devrait être fait conformément à leurs traditions et pratiques en matière de relations professionnelles. D'une manière générale, les droits des syndicats et des comités d'entreprise devraient aussi être accrus.
Créer un devoir de vigilance à l'égard des sous-traitants. Des règles nouvelles doivent conduire les grandes entreprises à prévenir la violation des droits humains et sociaux fondamentaux dans l'ensemble de leur chaîne d'approvisionnement.
Créer un cadre d'information contraignant adapté aux enjeux du XXIe siècle. Les règles comptables des entreprises ne devraient pas être laissées à un organisme privé, l'International Accounting Standards Board, principalement intéressé par la valeur actionnariale ; elles doivent prendre en compte la durabilité. Le reporting extra-financier doit continuer à être développé afin de fournir plus de transparence sur les questions sociales et environnementales, et notamment les questions d'égalité entre les sexes, qui devront être traitées avec beaucoup plus de vigueur.
Les réformes mentionnées ci-dessus n'épuisent pas le champ des possibles, mais elles disent le sens de la réforme attendue : les salariés de l'UE ne peuvent plus continuer à être exclus de la construction européenne. Ces réformes vitales, socle des nouveaux droits et devoirs dans l'entreprise, esquissent un nouveau modèle européen capable d'unir des Etats aux droits trop fragmentés, un nouveau modèle européen qui nous différencie des modèles anglo-saxons et du capitalisme asiatique. Un nouveau modèle européen héritier d'un humanisme qui doit devenir une force dans la mondialisation. Il est temps de changer !
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Pour signer la tribune : http://www.descartes.law/