Dominique Potier
Député de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle
Audrey Bardot, suppléante






 
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Jeudi 17 juillet

Le Manifeste d'Esprit Civique dans Marianne cette semaine

Le Manifeste d'Esprit Civique dans Marianne cette semaine

 

La gauche peut revivre avec le personnalisme


Pour Jean-Philippe Mallé et Dominique Potier, députés PS, la "déception à l’égard du politique" que connaissent les Français actuellement s'explique justement par l'incapacité de ses responsables à "donner un sens à la vie individuelle et collective". Esprit civique, le cercle politique qu'ils ont fondé et qui se pose en "héritier de la tradition du christianisme social", s'est choisi comme "boussole", le "personnalisme annoncé par Emmanuel Mounier dans les années 1930, enrichi depuis par Paul Ricœur et Emmanuel Levinas".
 

Après les municipales, les élections européennes ont confirmé l’ampleur de la crise civique et républicaine que traverse notre pays. Six Français sur dix ne sont pas allés voter, un électeur sur quatre a choisi un parti d’extrême droite. Autre signe inquiétant, ces deux phénomènes sont amplifiés au sein du monde ouvrier, des jeunes et des habitants des « territoires périphériques ». Le constat est d’autant plus terrible pour la gauche française qui n’a jamais été aussi faible dans l’histoire de la Ve République : elle représente dans ces élections moins d’un tiers des voix.
 
Pourtant le sentiment de graves défis, sinon de dangers nouveaux, est largement partagé. La déception à l’égard du politique est à la mesure d’une attente renouvelée.
 
Un an après sa fondation, Esprit civique, cercle politique héritier à gauche de la tradition du christianisme social, publie un Manifeste qui formule des propositions pour sortir de cette impasse. 
 
Nous sommes convaincus qu’à travers leur vote, les Français témoignent surtout d’un « déficit d’espérance ». C’est la relation entre le sens de la collectivité et l’accomplissement de chacun de ses membres qui est considérablement affaiblie et qu’il faut nous réparer en profondeur en adoptant une nouvelle attitude et de nouveaux combats. L’expulsion du politique de l’espace public est d’ordre existentiel. C’est le socle des principes qui fondent le vivre-ensemble qui se trouve en réalité ébranlé, à droite comme à gauche.
 
Tout s’en est sans doute mêlé : l’illusion d’un accès généralisé à des biens sophistiqués d’usage privatif, l’affaissement de la respectabilité des institutions avec l’importance prise par des oligarchies dans les administrations comme dans les entreprises, une professionnalisation outrancière de la fonction politique plaçant les élus hors du commun et parfois hors de l’éthique commune, une vision du progrès social assise sur le seul accroissement des droits individuels et détachés d’une vision de la société prise dans son ensemble, une idéologie de la démesure passant outre les limites et la finitude humaines. Plus besoin de donner un sens à la vie individuelle et collective, puisque la question même du sens ne se pose plus. C’était pourtant la grandeur du politique que de promouvoir les conditions d’un vivre-ensemble dont pouvaient découler les droits de chacun. La gauche rencontre ici une impasse particulière. Lorsqu’elle soutient seulement la logique des droits individuels, sans interroger les responsabilités et les valeurs qui s’y attachent, elle laisse s’étioler l’aspiration à la justice et à la fraternité et prend le risque d’en oublier l’attention aux plus fragiles.
 

Retrouvez le sens du bien commun

Pour surmonter cette impasse, il faut renouer avec une vision sur l’homme, ce que l’on appelle une anthropologie. Il s’agit de retrouver une vision cohérente du destin de chacun, de ce qui le motive à vivre, et de l’aventure collective où se joue ce destin particulier. Cela signifie, pour nous, renouer avec la longue tradition française issue tant du christianisme que du siècle des Lumières. Dans cette tradition, on ne naît pas citoyen, on le devient. L’éducation civilise, transmet des valeurs qui obligent, enseigne la liberté et la responsabilité. La croissance des droits va de pair avec le sentiment d’appartenance à la communauté. Ce contrat social qui s’est constitué progressivement dans notre histoire mérite à chaque époque d’être actualisé en fonction des données nouvelles du présent. Encore ne doit-on pas perdre la boussole anthropologique qui l’oriente.

Cette boussole s’incarne pour nous dans le personnalisme annoncé par Emmanuel Mounier dans les années 1930, enrichi depuis par l’œuvre politique de Paul Ricœur et par la réflexion fondamentale d’Emmanuel Levinas.
 
Le personnalisme a contribué à la renaissance de la vie publique après les traumatismes de la seconde guerre mondiale. Il nourrit de façon juste l’action politique aujourd’hui parce qu’il instaure une cohérence entre les finalités de la communauté politique, le bien commun, et la promotion de la dignité de chaque personne. Celle-ci étant entendue comme une dignité qui se manifeste dans la relation à autrui. C’est la rupture de cette cohérence qui nous semble être au cœur de la crise du politique, soit que l’idée du bien commun ait été congédiée, soit qu’elle doive simplement résulter de l‘addition des préférences individuelles.
 
Le personnalisme ne s’arrête pas aux frontières nationales. Il aide à penser l’avenir de la nation comme partie de communautés plus larges. II doit accueillir les réflexions nouvelles venues de l’apport des philosophes de la justice sociale (John Rawls, Amartya Sen). Au cœur de la mondialisation, il invite à renouer avec une puissance publique pleinement investie dans son rôle de régulateur de l’économie et de partage des richesses.
 
Souscrire à la perspective personnaliste, c’est en définitive rechercher et favoriser par les lois une attitude éthique. Les membres d’Esprit civique, quelles que soient leurs responsabilités, s’efforcent de vivre en politique et dans leurs lieux d’expérience selon cette cohérence qui comporte : une relation de loyauté envers les citoyens et une profondeur de champ contre l’immédiateté médiatique.
 
Alors que l’on s’ingénie de multiples manières à dévaloriser la politique et ses représentants, disons haut et fort que le « politique » joue un rôle irremplaçable pour traverser avec humanité les mutations économiques, écologiques et sociales contemporaines. C’est un rendez-vous crucial pour la vie de nos territoires, de la nation, de l’Europe et de la planète.  
 
Les résultats des dernières élections ne signifient en aucun cas, pour nous, que le peuple de France ait renoncé à la République. La vocation particulière de la gauche est d’exprimer que nous ne devons pas acquiescer au monde tel qu’il nous est imposé, notamment par les puissants du moment. Pour offrir de nouveau cette réponse et cet espoir, il ne convient pas de morceler l’espace politique en chapelles qui divisent, encore moins de multiplier les boucs émissaires. Le moment est venu au contraire de jeter des ponts pour appeler à construire une « espérance raisonnable  ».


* Jean-Philippe Mallé et Dominique Potier sont député PS, le premier des Yvelines, le deuxième de Meurthe-et-Moselle. Sont également signataires de cette tribune, les membres fondateurs d’Esprit civique : Jean-Baptiste de Foucauld, Jérôme Vignon, Guy Aurenche, François Soulage, Jo Spiegel, Bruno Nestor Azerot et Guy Coq.
 
 
 
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