Dominique Potier
Député de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle
Audrey Bardot, suppléante






 
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Vendredi 27 septembre 2019

La loi bioéthique en débat

La loi bioéthique en débat
Alors que le projet de loi sur la bioéthique est actuellement en cours de discussion à l'Assemblée nationale, j'ai voulu exprimer ce qui m'anime sur ces enjeux et j'ai proposé à Martine Huot-Marchand d'exposer sa propre sensibilité.



Dominique Potier

Notre venue au monde et la fin de vie ont ceci de commun qu'elles éclairent particulièrement le sens profond de notre humanité personnelle et commune.

C'est à ces frontières de l'intime et de l'universel que le projet de loi sur la bioéthique envisage d'ouvrir de nouveaux possibles. Le temps est venu pour chacun d'entrer en conscience dans le débat.

Je crois profondément à une éthique du dialogue : nous pouvons partager nos doutes et nos convictions sans violence, ni blessure. A ces conditions et au-delà même du vote final, notre démocratie peut sortir grandie du débat qui s'annonce.

Cinq balises jalonnent mon propre chemin...

L'idée même d'un ordre naturel ou ancien comme seul justificatif du bien commun m'est étrangère. Je crois à la République comme cadre protecteur des libertés individuelles et de l'espace public. Je crois aussi qu'elle est un creuset, où les sources spirituelles, dans leur diversité, peuvent nourrir la quête toujours inachevée d'une vérité commune.

Le clivage entre progressistes et conservateurs apparaît ici comme particulièrement réducteur. Il éclipse le sens que nous donnons au progrès et à la vision de l'humain qu'il sous-tend. Il s'agit moins de conforter notre rapport à la tradition que de confronter, dans le respect, nos boussoles anthropologiques. Le seul archaïsme serait de se prévaloir d'une modernité absolue et oublieuse de la pluralité.

"Nous entrons d'abord dans la question de la justice par le sentiment d'injustice" Je fais mienne cette pensée de Ricoeur et c'est encore aujourd'hui l'esprit qui anime mon engagement politique à gauche. Or, si je comprends et partage toutes les attentes qui s'expriment, à mon sens l'incapacité biologique à procréer, comme la finitude, est constitutive de notre nature humaine et ne relève pas du registre de l'injustice.

La science et la technique permettent aujourd'hui de dépasser ces limites. La seule question qui nous est désormais posée est de savoir en quoi cela nous humanise.

"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits" La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948, comme le triptyque républicain, peuvent devenir le fil d'une réflexion qui ne peut être réduite à de simples évidences. L'égalité doit être mise en dialogue avec l'altérité ; la liberté, avec la responsabilité pour autrui. La fraternité, enfin, doit être pensée non seulement dans la dimension d'un projet familial singulier mais dans ce qui est en jeu pour l'ensemble des relations humaines.

Entendons-nous : il ne s'agit pas de juger de situations existantes, de choix personnels et des désirs de vie dont ils témoignent. Il ne s'agit pas non plus de douter de notre capacité, depuis la nuit des temps, à renouer par la parole des liens par-delà l'origine. L'enjeu, ici, est de mesurer les effets systémiques et symboliques de la loi, dans ce qu'elle institue.

C'est dans cette perspective que j'avoue un sentiment de vertige à l'idée que soit actée une filiation lacunaire, un droit à concevoir seule, que soient interrogés les principes qui fondent la médecine et la sécurité sociale et qu'incidemment, prenne corps l'idée même d'une conception "sur mesure" réduisant l'être humain à sa matérialité.

Mes questions - sans réponses évidentes - portent sur les conséquences pour l'enfant comme personne et pour notre société sur le temps long. Mon alerte la plus vive, et qui a elle seule justifie que je ne voterai pas cette loi, est le risque d'une marchandisation accrue du vivant.

Sans en avoir l'intention et par une dérive de l'individualisme libéral, nous prendrions ainsi le risque en nous affranchissant de certaines limites de consentir à une nouvelle servitude.

J'aime avec Camus cette idée que chaque génération est gardienne de la capacité pour la suivante d'engendrer le monde. La nouvelle frontière de notre dignité et de notre maison commune est la lutte contre toutes les formes d'humiliation, un combat pour la justice et pour le partage. J'attache de la valeur à l'idée que notre humanité grandit moins dans la manifestation de sa toute-puissance que dans son attention au fragile.



Martine Huot-Marchand
 
La procréation médicalement assistée constitue une opportunité pour beaucoup de couples qui souffrent de stérilité.

Elle peut être réalisée avec les gamètes du couple ou dans le cadre de don de gamètes, avec des techniques opératoires de plus en plus sophistiquées, afin d'améliorer les taux de réussite.

La conception de l'enfant fait intervenir la science, ce qui nécessite un accompagnement humain, psychologique, de ces couples.

La PMA permet à des couples homosexuels féminins de concevoir un enfant avec les gamètes d'une des deux.

Le désir de concevoir un enfant, de l'aimer, de le mettre au monde dans les meilleures conditions possibles pour qu'il grandisse dans son humanité est un beau projet.

Par contre, le droit à l'enfant pour les adultes n'existe pas.

Aujourd'hui, il y a différentes façons de faire famille, même si la famille dite traditionnelle (homme et femme mariés, en concubinage, pacsés) reste majoritaire.

C'est l'arrivée de l'enfant, dès sa conception, qui devient déterminante pour « faire famille », avec sa filiation, ses besoins et ses droits, qui doivent être pris en compte dans tous les cas, notamment lors des séparations parentales.

L'enfant peut naître dans une famille traditionnelle, une famille monoparentale, une famille recomposée, une famille homoparentale...

Entouré d'amour et de soins attentifs, l'enfant évolue bien s'il a des parents qui réfléchissent à leur parentalité, s'ils organisent, quand le couple est homosexuel, une parentalité « plurielle », si les dialogues sont riches et clairs entre parents et enfants.

La plupart des psychiatres qui suivent les familles homoparentales affirment qu'ils ne rencontrent pas plus de problèmes avec ces enfants qu'avec ceux de la population en général, voire moins, en raison du partage des tâches systématiques dans les couples de même sexe.

Dans le cadre de familles monoparentales, les situations sont différentes selon chaque histoire, mais ce qui peut provoquer une difficulté chez l'enfant, c'est l'absence de la « triangulation » apportée par l'autre parent que la mère. Cette « triangulation » permet de couper le lien mère-enfant ou le lien parent maternant-enfant, afin de l'aider à se détacher, à accepter la frustration et les règles de vie ensemble. La toute-puissance du petit enfant doit trouver une limite pour qu'il puisse continuer à grandir ; le rôle du père, le rôle de l'autre adulte vivant avec le parent maternant.

Ce qui me préoccupe : c'est le nombre grandissant de conceptions d'enfants réalisées de façon non légales (femme seule qui ne veut pas de vie de couple, et qui dit à son enfant et à l'entourage qu'il n'a pas de papa ; couple de femmes homosexuelles demandant l'aide d'un géniteur ami...)

Dans notre société, si l'enfant a le droit absolu et universel d'avoir des parents (de sexe différent ou de même sexe), il n'y a pas de droit pour un adulte d'être parent.

Il est de mon point de vue urgent que la société mette une limite : il faut que le droit vienne encadrer ces pratiques. Le rôle du droit n'est pas d'être précurseur (il l'est rarement), mais « d'organiser » dans la société ce qui se fait déjà afin de dire le droit et l'interdit, et de poser les limites.

Je pense que la loi doit poser les choses : autoriser la PMA, interdire certaines pratiques et mettre un cadre...
 
 
 
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