Dominique Potier
Député de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle
Audrey Bardot, suppléante






 
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Samedi 27 novembre 2021

La face sombre de la mondialisation ne peut plus être tolérée

La face sombre de la mondialisation ne peut plus être tolérée
Travail des enfants, salaires de misère… Cette face sombre de la mondialisation ne peut plus être tolérée. Retrouvez ma tribune commune publiée dans Le Monde avec Bärbel Kofler. Le devoir de vigilance est notre combat européen pour les droits humains et la planète.

Alors que la Commission européenne prépare une directive contre les violations des droits de l'homme dans les chaînes d'approvisionnement des entreprises, la députée allemande Bärbel Kofler et le député français Dominique Potier appellent, dans une tribune au « Monde », à un texte ambitieux.

La crise du Covid-19 nous a montré à quel point nos chaînes d'approvisionnement mondiales sont fragiles et peu durables. A l'échelle mondiale, les effets directs et indirects de la pandémie entraînent le retour de nombreux enfants dans les mines, les champs et les usines. En 2021, pour la première fois depuis vingt ans, les experts de l'Organisation internationale du travail (OIT) nous disent que le travail des enfants a augmenté pour atteindre 160 millions.

Travail des enfants, travail forcé, salaires de misère… Cette face sombre de la mondialisation, celle de l'appauvrissement et de l'asservissement des plus fragiles à l'abri des regards, ne peut plus être tolérée par la puissance publique. Le combat pour une mondialisation plus humaine doit devenir la grande matrice politique de ces prochaines années, toute notre énergie doit s'y consacrer au nom de la dignité humaine et de la protection de notre maison commune.

La France, la première

Pour cela, des instruments existent déjà et doivent désormais être utilisés, diffusés et améliorés. Parmi eux, le devoir de vigilance : l'obligation faite aux multinationales de prévenir de façon effective les atteintes graves aux droits humains et à l'environnement, au bout de la rue comme au bout du monde.

Le 27 mars 2017, la France a été la première à se doter d'un tel instrument en adoptant la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Cette loi « passe‑muraille » prévoit donc de lever le voile juridique qui organise l'impunité des donneurs d'ordres face aux victimes invisibles de leurs filiales, de leurs sous‑traitants et de leurs fournisseurs. Avec du recul, cette loi apparaît comme un processus générateur de droit : la mise en lumière des atteintes aux droits humains et aux biens communs a vocation à provoquer des réponses structurelles dans les régions et les filières impactées.

Contrairement à ce qui fut avancé par les partisans du statu quo, avec cette loi la France n'était pas isolée mais pionnière pour le processus européen.

En juin 2021, le Bundestag allemand a adopté la « loi sur les obligations de diligence des entreprises visant à prévenir les violations des droits de l'homme dans les chaînes d'approvisionnement », dans laquelle l'Allemagne met en oeuvre un devoir de diligence obligatoire en matière de protection des droits de l'homme et de l'environnement pour les entreprises établies en Allemagne.

Des millions d'euros d'amendes

Ce sont les sociaux-démocrates allemands qui, en tant que principal moteur, ont soutenu une telle loi dès le début et ont initié un changement de paradigme en Allemagne : passer des mesures volontaires à des règles contraignantes pour la protection des droits de l'homme et de l'environnement pour les entreprises.

La loi allemande a notamment créé une autorité d'exécution forte de son administration qui peut imposer des millions d'euros d'amendes en cas d'infraction et exclure les entreprises des marchés publics. Les entreprises peuvent ainsi réduire l'amende en indemnisant directement et rapidement les personnes concernées. Ces règles d'application fortes devraient également figurer dans une législation européenne.

Notre regard se tourne désormais vers la Commission européenne, qui doit bientôt présenter la première version d'une directive sur le sujet. Outre la crainte d'un nouveau report, nous faisons aujourd'hui part de notre préoccupation face aux risques d'un texte qui, faute d'ambition et de volonté politique, instaurerait un devoir de vigilance amoindri.

Au contraire, nous, sociaux-démocrates de part et d'autre du Rhin, pensons que cette directive doit plus que jamais être l'occasion d'une harmonisation juridique par le haut entre les Etats membres.

Justice et réparations

Trois points clefs doivent, selon nous, se retrouver dans la nouvelle réglementation :
  1. Un devoir de vigilance qui s'étende à l'ensemble des filiales, fournisseurs et sous-traitants avec lesquels le donneur d'ordre entretient une relation commerciale établie, qui ne s'arrête pas au premier rang. Cela est également conforme aux principes directeurs des Nations unies en matière d'économie et de droits de l'homme, qui stipulent que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement doit être pris en considération.
  2. Un accès à la justice et à des réparations pour les victimes, qui ne soit pas remplacé ou entravé par un simple mécanisme de contrôle administratif, souvent opaque. Nous serions favorables à une réglementation au niveau européen dans laquelle la réparation des préjudices serait prise selon le droit de l'Etat membre dans lequel l'entreprise est domiciliée. Jusqu'à présent, c'est la loi de l'Etat d'origine, où le dommage est survenu, qui s'applique.
  3. La consultation des parties prenantes et la participation des salariés, en tant que parties constituantes, au processus d'élaboration, de mise en oeuvre et d'évaluation des mesures de vigilance des entreprises.
A ces conditions, nous sommes convaincus que l'Europe peut, dès à présent, être le cadre et le creuset d'un nouvel humanisme qui sera une force dans la mondialisation. L'émergence d'un modèle d'entreprise à l'échelle de l'Union doit pallier une fragmentation juridique source de concurrence déloyale, et nous différencier du néolibéralisme anglo‑saxon comme du capitalisme d'Etat asiatique. Ni fermeture ni ultralibéralisme mais une troisième voie qui place l'homme au centre du développement et renoue avec le principe de responsabilité.

Bärbel Kofler est députée du Bundestag, déléguée du gouvernement fédéral à la politique des droits de l'homme et à l'aide humanitaire au ministère fédéral des affaires étrangères. Dominique Potier est rapporteur de la loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre.

Consultez la tribune sur Le Monde.
 
 
 
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