Dominique Potier
Député de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle
Audrey Bardot, suppléante






 
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Paris
 
 
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Mercredi 10 juillet 2019

Discours Edgard Pisani

Discours Edgard Pisani
Discours d'Edgard Pisani, le 10 juillet 2004, au rassemblement national du MRJC à Vannes

"Il y a quelques semaines, je vivais le soixantième anniversaire de mon évasion d'un camp d'internement. Dans quelques semaines, je célébrerai en mon coeur la bataille de la Libération de Paris à laquelle j'ai participé. Ainsi, à votre âge, ma vie d'homme a été marquée par les malheurs du temps.

Et pourtant, j'appartiens à une génération heureuse.
 

Le combat que nous avons mené pendant la guerre avait un sens. Il nous fallait libérer notre territoire, récupérer notre sol, devenir à nouveau responsables de notre destin. La victoire une fois acquise grâce à la Résistance, à la France Libre et aux Alliés, le temps de la reconstruction est venu, puis celui de la construction. Tout était à faire et tout ce que nous faisions avait un sens: remettre le pays en état d'occuper effectivement la place que, grâce au Général de Gaulle, il avait pu garder. Il n'y avait pas de place pour le doute.
 

Puis sont venues les trente glorieuses, portées par un courant très fort et nous portant nous mêmes à construire, à développer, à inventer, à projeter un avenir, à multiplier les enfants. Nous n'avons jamais douté de ce que l'avenir nous appartenait. Nous ne nous sommes jamais interrogés. Nous travaillions au gré des jours avec la certitude que les choses iraient de mieux en mieux. L'avenir nous appartenait.
 

Le monde lui-même allait mieux, car il était venu à bout des dictatures. Il était partagé entre notre Occident se réclamant de la libre démocratie et l'Union Soviétique prétendant régir le monde au gré d'une loi stricte et d'une économie administrée. Nous ne doutions pas du triomphe de la liberté. Jusqu'à une certaine date, théâtre d'un splendide développement, l'Europe est devenue l'un des théâtres d'opérations où se défiaient et s'affrontaient L'Orient et l'Occident.
 

L'idée est née de construire l'Europe, de faire en sorte que l'Occident Européen qui avait été si longtemps divisé contre lui-même par les guerres de religion, plus tard par les guerres napoléoniennes, puis par trois grands conflits dont le dernier s'achevait à peine. L'idée est née du besoin qu'elle soit en paix et que, pour cela, elle se fixe des règles et des objectifs communs et qu'elle travaille ensemble. L'Europe est née et j'ai eu le très grand privilège, le très grand bonheur d'en négocier la Politique Agricole Commune. Cette construction donnait à ses acteurs le sentiment exaltant qu'ils étaient en train de construire un monde nouveau.
 

Puis est venu le temps des crises, celle du pétrole en particulier en 1973. Le temps est venu du ralentissement de ce mouvement qui nous avait portés. Le monde est devenu plus complexe, moins compréhensible, plus dur. Il n'était plus en mouvement comme il l'avait été pendant trente ans. Il n'était plus divisé en deux tandis que se profilait le puissant appel du Tiers Monde qui posait un vrai problème et devenait un enjeu. Mais, au milieu des crises mêmes, il multipliait les découvertes scientifiques et techniques, il changeait nos manières de vivre, il se lançait dans une concurrence éperdue. Nos alliés d'hier étaient devenus nos concurrents.
 

Le monde est devenu inintelligible, ce monde dans lequel vous êtes nés et où vous vivez maintenant. Il m'arrive de me demander si notre optimisme ne nous a pas rendus imprévoyants et si nous ne sommes pas responsables.
 

L'actualité même est difficile à comprendre. Les États Unis se lancent dans des aventures inexplicables et dangereuses. S'étant libérée du régime soviétique, la Russie tente de se construire mais on y voit renaître la violence. La Chine, l'Inde, l'Amérique Latine éprouvent des démangeaisons de puissance et, fortes des masses humaines et des civilisations qui sont les leurs, se lancent dans un développement éperdu qui va bouleverser les équilibres du monde. Réunis, ces trois ensembles comptent plus de la moitié des paysans du monde qui vivent souvent dans une extrême pauvreté de ne rêvent que d'exode. Dans la Chine seule, 25 millions de ruraux sont, en 2003, allés s'installer dans les régions urbaines. D'après les prévisions des économistes, dans ce pays, en 25 ou 30 ans, 400 millions de ruraux iront vers les villes où nul ne sait encore comment ils pourront vivre et ce qu'ils feront. La Chine pourrait ne plus être équilibrée en termes alimentaires, mais les nouveaux citadins deviendront des ouvriers d'une industrie qui se prépare, grâce à cette main d'oeuvre habile et peu exigeante, à envahir les marchés mondiaux de l'automobile, de l'informatique, du textile au risque de perturber les difficiles équilibres économiques et sociaux du monde.
 

Pendant ce temps là, l'Afrique au Sud du Sahara est en passe de voir doubler sa population en trente ans. Son agriculture ne se développe pas au rythme de ses besoins, la faim s'aggrave, la maladie fait des ravages et une violence d'un autre âge rend tout difficile. L'Afrique qui nous est si proche s'enfonce sous nos yeux et nous sommes comme impuissants. Le Monde Arabe est comme frappé d'hébétude. Pourtant il prépare des lendemains où il sera d'autant plus exigeant qu'il est riche d'une authentique civilisation. Nous semblons incapables d'inventer avec lui une relation de voisinage positif.
 

L'Europe bafouille. Oui, elle bafouille. Elle s'élargit sans dire qui elle est et sans être sure d'elle-même. Elle s'élargit sans avoir défini sa Constitution et sans dire quel modèle original de civilisation elle va bâtir avec l'ensemble des peuples disparates qui désormais la constituent. Elle s'élargit alors qu'il y a quelques semaines seulement, elle était divisée sur les sujets essentiels qui lui étaient posés.
 

C'est dans ce monde inintelligible et imprévisible que vous ambitionnez, que vous êtes tenus, de prendre vos responsabilités.
 

Dans ce monde et alors même qu'elle est incapable de satisfaire les besoins essentiels de tous, l'économie est triomphante. Elle n'a d'objet que le profit. Elle n'a d'objet que la conquête; celle de nouveaux marchés et celle du vrai pouvoir. Elle a la science pour complice. Elle lui demande de faire des découvertes, d'accomplir des miracles dont certains risquent de compromettre ce qu'il y a de plus sacré pour nous, je veux dire la vie et l'être humain. En face de cette dynamique extraordinaire dont nous ne pouvons ignorer tout ce qu'elle nous apporte, malheureuse pourtant, la société est sans voix et fractionnée. Faute d'idées, de vision collective claire, chacun prend position à sa manière. Ainsi le politique auquel est confié le bien commun est devenu comme impuissant. En France comme en Europe et dans le reste du monde. Car le légitime destin du politique n'est pas de dominer par les armes.
 

Quel avenir?
 

Une révolution mondiale me paraissant plus qu'improbable, ne la souhaitant pas moi-même, l'avenir me semble dépendre de la capacité de la société humaine à se définir et à prendre position face à ce qui la défie et la domine aujourd'hui, qui n'est plus la politique mais cette économie dont nous venons de parler. Revenons en arrière, à la naissance chez nous de la démocratie. Constatons que l'acte fondateur de la Révolution Française a constitué à substituer le pouvoir souverain de la Nation au pouvoir souverain du Roi. Mais la Nation étant un concept tout neuf, l'État républicain a été l'héritier de fait de l'État royal. On a donné la parole aux citoyens à la condition qu'ils donnent un mandat souverain aux députés qu'ils élisaient. Le citoyen est devenu un électeur, la politique est devenue un combat électoral. L'élection est devenue un spectacle auquel femmes et hommes assistent sans s'y intéresser vraiment. Les décisions se prennent en dehors d'eux. Entre le pouvoir exercé par l'économie et le jeu électoral nous assistons à la fin du Bien Commun et à celle du Politique, à la déresponsabilisation de l'homme-travailleur-citoyen.
 

C'est là que commence et que se manifeste votre responsabilité, celle que vous voulez prendre. Vous tentez de donner conscience à la génération que vous constituez, à cette fraction de la société globale que vous représentez, vous tentez de lui donner conscience de ce qu'elle est une force et que cette force doit s'exprimer jusqu'à être entendue parce que, de toutes les forces, elle est la plus légitime. Vous sommez la société globale, sans nier les grands mérites et les responsabilités de l'économie, de s'affirmer face à elle et d'affirmer les exigences de la nature et des êtres humains. C'est dans la mesure où vous serez capables d'articuler des idées claires sur les problèmes de l'environnement, des sociétés rurales, de l'alimentation, de la faim dans le monde, du travail, de l'éducation, de la vie quotidienne de tous, idées claires et cohérentes, idées audacieuses mais sages, c'est dans la mesure où la société globale vous entendra que vous serez utile et que vous mettrez un terme aux désarrois de ce temps. Vous n'êtes pas faits seulement pour déposer un bulletin dans l'urne mais pour réfléchir, militer, aider à ce que le Bien Commun et le Politique retrouvent leur place et leur dignité. C'est une rude tâche.
 

On m'a demandé de vous apporter l'espoir, je vous annonce le combat, car c'est en lui et non dans l'attente que l'espoir naîtra. Il faut que vous agissiez à l'échelon local pour que chacun ait sa place dans des communautés vivantes. Il faut qu'ensemble vous vous battiez à l'échelon régional, lieu d'initiative, à l'échelon national, européen, mondial. Que vous vous battiez pour que, société humaine et nature s'exprimant, le politique devienne le médiateur entre elles et l'économie.
 

Lancez-vous dans le combat. C'est un combat de tous les jours. Ne haïssez pas vos adversaires, essayez de comprendre ce qu'ils disent et combattez-les. Aidez ceux qui en ont besoin, mais ne les dominez, ne les méprisez jamais, ils sont vos soeurs et vos frères. N'oubliez jamais le village dont vous êtes, c'est là que vous avez les pieds sur la terre. N'oubliez jamais la France, c'est d'elle et par elle que vous êtes ; contribuez de toutes vos forces à sa capacité de rénovation d'elle-même. Ne vous laissez pas irriter par l'Europe, aidez à ce qu'elle se construise, vous en avez besoin. Aimez le monde parce qu'il est votre berceau."

 
 
 
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