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Mercredi 24 janvier 2018
Discours à l'Assemblée pour le 55ème anniversaire du traité franco-allemand
Lundi 22 janvier
Monsieur le Président du Bundestag,
Liebe Freunde,
Sur nos terres de Lorraine, une mémoire vive se révèle dans l'anfractuosité de notre environnement. Un premier itinéraire irait de la colline de Sion d'où l'on aperçoit ce qui fut "la ligne bleue des Vosges" aux côtes de Meuse en passant par le village disparu de Remenauville, vers la crête des Eparges. Des milliers d'hommes y moururent dans la boue pour quelques mètres d'un front préfigurant la bataille de Verdun. D'un côté, Maurice Genevoix "ceux de 14", de l'autre Ernst Jünger "orage de feu", et de part et d'autres les mêmes mots.
Le second emprunterait le cours de la Moselle. Nancy devenue frontière après 1870 fut le refuge de ceux qui la façonnèrent. Et c'est là qu'un commissariat de Police - cas unique - fit échouer, par la désobéissance civile, la rafle des juifs en juillet 1942, devenant ainsi "Juste parmi les Nations". De Nancy donc, jusqu'à Scy-Chazelles où nous devons méditer sur la force intérieure de Robert Schuman, enfant de l'annexion et père fondateur de notre Europe moderne.
La mémoire vive, c'est celle de ces 36000 monuments "aux morts", conçus pour la résilience, et où sont inscrits des noms si familiers. C'est les larmes de lycéens qui découvrent aujourd'hui que les hommes et les femmes qui sacrifièrent leur vie pour résister, telle Régina Kricq, avaient parfois le même âge. C'est dans le Toulois, la poussière sous nos semelles des cimetières de tant de Nations adverses ou alliées, à Andilly la plus grande nécropole allemande sur le sol français. 33 000 soldats y reposent en paix. Chaque cérémonie évoque pour moi ce tableau de Goya "La Rixe" que Michel Serres a magnifiquement décryptée : deux personnages munis de gourdins dans un sable mouvant. A chaque coup ils s'enfoncent inéluctablement...Tel fut le sort de nos peuples, jusqu'à l'anéantissement.
Primo Levi est notre maître de mémoire : « Considérez si c'est un homme, […] Considérez si c'est une femme [...] Pensez-y chez vous, dans la rue, En vous couchant, en vous levant; Répétez-les à vos enfants. »
Depuis le Traité de l'Elysée les enfants de Paris et de Göttingen ont 1000 fois franchies nos frontières, ces « limites hospitalières garantes de la diversité du monde », pour reprendre la belle formule de Régis Debray.
Au fond, nous, français et allemands, avons incarné les deux sens du mot "contre" : face et à côté.
Je pense à ces trois moments où nous fûmes côte à côte : l'espoir entendu à Jérusalem que procure aux artisans de paix l'expérience tragique de notre bout de continent ; l'élan qui nous fit reprendre la route de Solidarnosc pour partager votre joie à la porte de Brandebourg une nuit de novembre 1989 ; l'émotion à nulle autre pareille de vos marques de fraternité un dimanche de janvier 2015 dans la traversée de l'épreuve.
Ce passage symbolique du « contre au contre », il me plait de le situer il y a 60 ans dans le mystère de la rencontre à la Boisserie de deux héros de la lutte contre le nazisme. Personne ne saura les paroles et les silences de Konrad Adenauer et Charles de Gaulle mais la réconciliation devint une terre promise.
La résolution adoptée par nos deux Parlements, soutenue par le groupe Nouvelle Gauche, est avant tout un appel à ce que les héritiers que nous sommes deviennent les pionniers d'une "nouvelle frontière".
Nous partageons l'urgence de ré-enchanter le récit européen. Mon intime conviction est qu'il est le même que celui de la République. Ce qui nous relie ensemble aujourd'hui est de même nature que ce qui nous lie profondément au sein de chacune de nos Nations. Une même urgence à combattre ces monstres qui naissent des mondes sans esprit.
L'oeuvre est là. Réinventer la puissance publique, l'engagement civique, fonder par exemple un modèle d'entreprise associant votre codétermination et notre devoir de vigilance comme une alternative européenne aux standards anglo-saxons et asiatiques. Faire vivre un humanisme de courage, de coopération et d'innovation.
Écoutez à nouveau le discours du Président de la République à la jeunesse allemande à Ludwigsburg en 1962 : « le champ nouveau et prodigieux qui s'ouvre ainsi devant vos existences, c'est à ceux qui ont aujourd'hui votre âge qu'il appartient de faire en sorte qu'il devienne la conquête, non de quelques privilégiés, mais de tous nos frères les hommes. Ayez l'ambition que le progrès soit le bien commun, que chacun en ait sa part, qu'il permette d'accroître le beau, le juste et le bon, partout et notamment dans les pays qui, comme les nôtres, font la civilisation, qu'il procure aux milliards d'habitants des régions sous développées de quoi vaincre à leur tour la faim, la misère, l'ignorance et accéder à une pleine dignité ».
Et si 55 ans après, notre nouvelle frontière commune était cette Méditerranée dont nous refusons qu'elle devienne un mur ou un cimetière ? Oser côte à côte une Politique Agricole Commune qui mise sur les paysanneries d'ici et d'ailleurs pour nourrir la Terre, investir à la hauteur des enjeux dans la transition énergétique : le pont du co-développement avec le continent africain est le grand combat pacifique à venir. "La vie du monde est dangereuse, poursuivait De Gaulle, elle l'est d'autant plus que, comme toujours l'enjeu est moral et social".
Monsieur le Président du Bundestag,
Liebe Freunde,
Sur nos terres de Lorraine, une mémoire vive se révèle dans l'anfractuosité de notre environnement. Un premier itinéraire irait de la colline de Sion d'où l'on aperçoit ce qui fut "la ligne bleue des Vosges" aux côtes de Meuse en passant par le village disparu de Remenauville, vers la crête des Eparges. Des milliers d'hommes y moururent dans la boue pour quelques mètres d'un front préfigurant la bataille de Verdun. D'un côté, Maurice Genevoix "ceux de 14", de l'autre Ernst Jünger "orage de feu", et de part et d'autres les mêmes mots.
Le second emprunterait le cours de la Moselle. Nancy devenue frontière après 1870 fut le refuge de ceux qui la façonnèrent. Et c'est là qu'un commissariat de Police - cas unique - fit échouer, par la désobéissance civile, la rafle des juifs en juillet 1942, devenant ainsi "Juste parmi les Nations". De Nancy donc, jusqu'à Scy-Chazelles où nous devons méditer sur la force intérieure de Robert Schuman, enfant de l'annexion et père fondateur de notre Europe moderne.
La mémoire vive, c'est celle de ces 36000 monuments "aux morts", conçus pour la résilience, et où sont inscrits des noms si familiers. C'est les larmes de lycéens qui découvrent aujourd'hui que les hommes et les femmes qui sacrifièrent leur vie pour résister, telle Régina Kricq, avaient parfois le même âge. C'est dans le Toulois, la poussière sous nos semelles des cimetières de tant de Nations adverses ou alliées, à Andilly la plus grande nécropole allemande sur le sol français. 33 000 soldats y reposent en paix. Chaque cérémonie évoque pour moi ce tableau de Goya "La Rixe" que Michel Serres a magnifiquement décryptée : deux personnages munis de gourdins dans un sable mouvant. A chaque coup ils s'enfoncent inéluctablement...Tel fut le sort de nos peuples, jusqu'à l'anéantissement.
Primo Levi est notre maître de mémoire : « Considérez si c'est un homme, […] Considérez si c'est une femme [...] Pensez-y chez vous, dans la rue, En vous couchant, en vous levant; Répétez-les à vos enfants. »
Depuis le Traité de l'Elysée les enfants de Paris et de Göttingen ont 1000 fois franchies nos frontières, ces « limites hospitalières garantes de la diversité du monde », pour reprendre la belle formule de Régis Debray.
Au fond, nous, français et allemands, avons incarné les deux sens du mot "contre" : face et à côté.
Je pense à ces trois moments où nous fûmes côte à côte : l'espoir entendu à Jérusalem que procure aux artisans de paix l'expérience tragique de notre bout de continent ; l'élan qui nous fit reprendre la route de Solidarnosc pour partager votre joie à la porte de Brandebourg une nuit de novembre 1989 ; l'émotion à nulle autre pareille de vos marques de fraternité un dimanche de janvier 2015 dans la traversée de l'épreuve.
Ce passage symbolique du « contre au contre », il me plait de le situer il y a 60 ans dans le mystère de la rencontre à la Boisserie de deux héros de la lutte contre le nazisme. Personne ne saura les paroles et les silences de Konrad Adenauer et Charles de Gaulle mais la réconciliation devint une terre promise.
La résolution adoptée par nos deux Parlements, soutenue par le groupe Nouvelle Gauche, est avant tout un appel à ce que les héritiers que nous sommes deviennent les pionniers d'une "nouvelle frontière".
Nous partageons l'urgence de ré-enchanter le récit européen. Mon intime conviction est qu'il est le même que celui de la République. Ce qui nous relie ensemble aujourd'hui est de même nature que ce qui nous lie profondément au sein de chacune de nos Nations. Une même urgence à combattre ces monstres qui naissent des mondes sans esprit.
L'oeuvre est là. Réinventer la puissance publique, l'engagement civique, fonder par exemple un modèle d'entreprise associant votre codétermination et notre devoir de vigilance comme une alternative européenne aux standards anglo-saxons et asiatiques. Faire vivre un humanisme de courage, de coopération et d'innovation.
Écoutez à nouveau le discours du Président de la République à la jeunesse allemande à Ludwigsburg en 1962 : « le champ nouveau et prodigieux qui s'ouvre ainsi devant vos existences, c'est à ceux qui ont aujourd'hui votre âge qu'il appartient de faire en sorte qu'il devienne la conquête, non de quelques privilégiés, mais de tous nos frères les hommes. Ayez l'ambition que le progrès soit le bien commun, que chacun en ait sa part, qu'il permette d'accroître le beau, le juste et le bon, partout et notamment dans les pays qui, comme les nôtres, font la civilisation, qu'il procure aux milliards d'habitants des régions sous développées de quoi vaincre à leur tour la faim, la misère, l'ignorance et accéder à une pleine dignité ».
Et si 55 ans après, notre nouvelle frontière commune était cette Méditerranée dont nous refusons qu'elle devienne un mur ou un cimetière ? Oser côte à côte une Politique Agricole Commune qui mise sur les paysanneries d'ici et d'ailleurs pour nourrir la Terre, investir à la hauteur des enjeux dans la transition énergétique : le pont du co-développement avec le continent africain est le grand combat pacifique à venir. "La vie du monde est dangereuse, poursuivait De Gaulle, elle l'est d'autant plus que, comme toujours l'enjeu est moral et social".