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Mercredi 11 novembre 2020
À ceux de 14
De chaque côté de la crête des Éparges, sur nos terres de Lorraine deux hommes - soldats et écrivains - nous ont laissé un récit bouleversant de la Grande Guerre : Ernst Jünger et Maurice Genevoix.
Nicolas Czubak fait partie de ces extraordinaires passeurs de mémoire qui guettent dans l'héroïsme de nos ainés et la nuit de l'horreur, la lumière d'une paix qui mettra trois décennies à prendre le visage de la réconciliation et de l'unité européenne.
Merci à lui pour cette proposition de lecture de l'oeuvre d'Ernst Jünger et de Maurice Genevoix dont nous avons célébré le 11 novembre l'entrée au Panthéon.
L'occasion aussi de découvrir la réflexion philosophique sur ces deux oeuvres littéraires par Bernard Maris, gendre de Maurice Genevoix, et qui fut une des victimes des attentats de Charlie Heddo le 7 janvier 2015.
Le 20 février 1915
« C'est alors que ce 210 est tombé. Je l'ai senti à la fois sur ma nuque, assené en massue formidable, et devant moi, fournaise, rouge et grondante. Voilà comment un obus vous tue. Je ne bougerai pas mes mains pour les fourrer dans ma poitrine ouverte ; si je pouvais les ramener vers moi, j'enfoncerais mes deux mains dans la tiédeur de mes viscères à nu ; si j'étais debout devant moi, je verrais ma trachée pâle, mes poumons et mon coeur à travers mes côtes défoncées. Pas un geste, par pitié pour moi ! Les yeux fermés, comme Laviolette, et mourir seul.
Je vis absurdement. Cela ne m'étonne plus : tout est absurde. À travers le drap rêche de ma capote bien close, je sens battre mon coeur au fond de ma poitrine. Et je me rappelle tout : ce flot flambant et rouge qui s'est rué loin en moi, me brûlant les entrailles d'un attouchement si net que j'ai cru mon corps éventré large, comme celui d'un bétail à l'éventaire d'un boucher ; cette forme sombre qui a plané devant mes yeux, horizontale et déployée, me cachant tout le ciel de sa vaste envergure… »
Maurice Genevoix, Ceux de 14
Le 19 mars 1918
« A ce moment, voici qu'un nouveau sifflement retentit haut en l'air : chacun sentit, la gorge serrée : celui-là, c'est pour nous. Puis un fracas énorme, assourdissant – l'obus s'était abattu juste au milieu de nous.
A demi assommé, je me relevai. Dans le grand entonnoir, des bandes de cartouches de mitrailleuses, allumées par l'explosion, lançaient une lumière d'un rose cru. Elle éclairait la fumée pesante où se tordait une masse de corps noircis, et les ombres des survivants qui s'enfuyaient dans toutes les directions. En même temps, de nombreux et atroces cris de souffrance et des appels à l'aide s'élevèrent.
Cette rotation de la masse sombre, au fond du chaudron fumant et rougeoyant, ouvrit durant une seconde, comme la vision d'un cauchemar infernal, le plus profond abîme de l'épouvante.
Après un instant où je restais paralysé, comme figé par l'horreur, je me levai d'un bond et courus à travers la nuit. C'est seulement dans un trou d'obus où j'étais tombé que je saisis ce qui venait de se passer. Ne plus rien entendre, ne plus rien voir ! Seulement fuir d'ici, jusqu'au fond de l'obscurité ! »
Ernst Jünger, Orages d'acier
Nicolas Czubak fait partie de ces extraordinaires passeurs de mémoire qui guettent dans l'héroïsme de nos ainés et la nuit de l'horreur, la lumière d'une paix qui mettra trois décennies à prendre le visage de la réconciliation et de l'unité européenne.
Merci à lui pour cette proposition de lecture de l'oeuvre d'Ernst Jünger et de Maurice Genevoix dont nous avons célébré le 11 novembre l'entrée au Panthéon.
L'occasion aussi de découvrir la réflexion philosophique sur ces deux oeuvres littéraires par Bernard Maris, gendre de Maurice Genevoix, et qui fut une des victimes des attentats de Charlie Heddo le 7 janvier 2015.
Le 20 février 1915
« C'est alors que ce 210 est tombé. Je l'ai senti à la fois sur ma nuque, assené en massue formidable, et devant moi, fournaise, rouge et grondante. Voilà comment un obus vous tue. Je ne bougerai pas mes mains pour les fourrer dans ma poitrine ouverte ; si je pouvais les ramener vers moi, j'enfoncerais mes deux mains dans la tiédeur de mes viscères à nu ; si j'étais debout devant moi, je verrais ma trachée pâle, mes poumons et mon coeur à travers mes côtes défoncées. Pas un geste, par pitié pour moi ! Les yeux fermés, comme Laviolette, et mourir seul.
Je vis absurdement. Cela ne m'étonne plus : tout est absurde. À travers le drap rêche de ma capote bien close, je sens battre mon coeur au fond de ma poitrine. Et je me rappelle tout : ce flot flambant et rouge qui s'est rué loin en moi, me brûlant les entrailles d'un attouchement si net que j'ai cru mon corps éventré large, comme celui d'un bétail à l'éventaire d'un boucher ; cette forme sombre qui a plané devant mes yeux, horizontale et déployée, me cachant tout le ciel de sa vaste envergure… »
Maurice Genevoix, Ceux de 14
Le 19 mars 1918
« A ce moment, voici qu'un nouveau sifflement retentit haut en l'air : chacun sentit, la gorge serrée : celui-là, c'est pour nous. Puis un fracas énorme, assourdissant – l'obus s'était abattu juste au milieu de nous.
A demi assommé, je me relevai. Dans le grand entonnoir, des bandes de cartouches de mitrailleuses, allumées par l'explosion, lançaient une lumière d'un rose cru. Elle éclairait la fumée pesante où se tordait une masse de corps noircis, et les ombres des survivants qui s'enfuyaient dans toutes les directions. En même temps, de nombreux et atroces cris de souffrance et des appels à l'aide s'élevèrent.
Cette rotation de la masse sombre, au fond du chaudron fumant et rougeoyant, ouvrit durant une seconde, comme la vision d'un cauchemar infernal, le plus profond abîme de l'épouvante.
Après un instant où je restais paralysé, comme figé par l'horreur, je me levai d'un bond et courus à travers la nuit. C'est seulement dans un trou d'obus où j'étais tombé que je saisis ce qui venait de se passer. Ne plus rien entendre, ne plus rien voir ! Seulement fuir d'ici, jusqu'au fond de l'obscurité ! »
Ernst Jünger, Orages d'acier