Dominique Potier |
Vidéo à la une
Agenda
Dimanche 24 novembre
Détail de la journéeEn circonscription et à Paris
|
NEWSLETTER Restez informés des actualités de Dominique Potier en vous inscrivant à la newsletter |
> L'activité de votre député sur le site citoyen NosDéputés.fr
contactPermanence parlementaire
27 avenue du Maréchal Foch
54200 TOUL
Tel : 03 83 64 09 99
Fax : 03 83 64 31 05
Nous écrire
Actualités
''La souffrance n’est pas une catégorie''
A lire et à partager : le dernier éditorial de Jean-Claude Guillebaud.
Quand il disait que les journalistes devaient « porter la plume dans la plaie », le grand Albert Londres définissait assez bien ce que devrait être notre rôle. Oui, révéler ce qu'on cache, rappeler ce qu'on oublie, mettre en évidence et donner corps – c'est-à-dire réalité visible, palpable – à ce qu'on désigne trop souvent de manière abstraite. Après les derniers chiffres sur le chômage, j'entends parfois des commentateurs nous expliquer que l'économie se portent un peu mieux, mais que le « social », lui, est toujours en berne (par exemple en Italie, voire en Allemagne, où les « pauvres » sont plus nombreux qu'en France, même si les chiffres sont meilleurs).
Cette manière de parler est critiquable. Qu'est donc ce fameux « social » que les troubadours du discours dominant n'évoquent plus qu'avec un imperceptible agacement ? Comme s'il s'agissait d'un à-côté encombrant. En réalité, il désigne la vie vivante, les réalités charnelles, les fatigues additionnées, les souffrances qu'on tait. Le social, c'est le coeur même des choses, la chair et le sang du vivre ensemble. C'est – ou ce devrait être – l'enjeu prioritaire de toute espèce de politique. Le simple fait d'utiliser cet adjectif (« social ») comme un substantif (« le social ») équivaut à un tour de passe-passe langagier. On transforme ainsi la peine des hommes en une catégorie ni plus ni moins importante que « le financier », « le budgétaire », « le monétaire », etc.
Dans le langage de nos élites, le social se voit donc rétrogradé au rang d'une variable, même pas prioritaire : d'abord les comptes macro-économiques, les hommes et les femmes viendront après. Nous-mêmes, par inattention, parlons parfois ainsi. Quand nous évoquons le chômage, c'est surtout sur le registre de la quantité, du chiffre, du pourcentage. Combien de chômeurs de plus ce mois-ci ? Ce langage permet de tenir à distance la réalité embarrassante d'une tragédie malodorante, populaire et mouillée de larmes.
Quand il atteint ce niveau et cette durée, le chômage est bien autre chose qu'une série de chiffres. Il est une souffrance individuelle dupliquée à l'infini, une désespérance qui coupe la respiration, un dégoût de vivre qui progresse jusque dans les veines. Être chômeur, ce n'est pas seulement perdre son emploi et ses revenus. C'est vivre un effacement progressif, un exil injuste. C'est passer des journées entières à écrire des centaines de suppliques, à poster des CV en guettant d'improbables réponses. Et cela, mois après mois.
Les travailleurs sociaux savent bien ce qui se produit alors. Peu à peu, l'estime de soi s'effiloche. Le doute vous pénètre et vous vrille. Suis-je encore utile à quelque chose ? Demain, il faudra trouver un reliquat d'énergie pour aller dans une file d'attente, faire bonne figure devant les amis ou les enfants ! À force, bien sûr, le corps se défait. On mange mal, on grossit, on est envahi par une résignation qui flotte en vous comme un gaz toxique. Tel est le fossé qui sépare le bavardage médiatico-politique de cette immense souffrance individuelle, faite de chair et de sang. Pas un fossé, un gouffre !